• Le nez de Michael J...innocenté !

    « Le nez de Michael J. innocenté dans le procès pour outrage raciste ».
    Ils sont nombreux les articles, qui déplorent l’addiction à la chirurgie esthétique du petit Michael au paternellement nommé « gros nez » tout rapetissé par les coups de scalpel. Tous nous répètent un peu la même histoire : traître de sa propre race, victime d’une enfance malheureuse, dupe de l’impérialisme blanc, le petit des « Jackson Five » s’est auto-engendré « White » par le miracle du bistouri, reniant ainsi sa filiation de « Black ».
    Voilà réactualisée, à travers une chirurgie ethnique du nez symptomatique d’une conscience noire dite aliénée, mutilée, estropiée, la vieille problématique de l’esclavage, traduite ici par cette déférence jacksonienne à l’égard d’une définition occidentale de la Beauté nasale. Mais, tandis que le critique dégaine l’argument Black/White avec une monomanie qui frise le « point Godwin », Michael s’exprime, car oui, outre d’un nez, il dispose - c’est incroyable ! - d’une bouche: « See, It’s not about races, just […] faces. […] I’m not going to spend my life being a Color » clame MJ dans « Black or White ». En vain, car notre penseur est aussi têtu que borné : on lui dit qu’il ne s’agit pas de races, qu’il en va bien plutôt d’une tentative, peut-être artistique, de maximiser l’ambiguïté identitaire en déjouant les bornes raciales, mais que nenni, le principe même de la critique démystifiante est de ne pas prendre au sérieux les discours des acteurs sociaux. Alors à quoi bon ?

     « Ne pas prendre au sérieux les discours des acteurs sociaux »… De tous les acteurs sans distinction? J’en doute fort… Dans son superbe article « Why Michael Jackson’s nose makes us uneasy », Katy Davies montre bien comment les minorités ethniques disposent en général d’un espace discursif beaucoup plus réduit que leurs voisins blancs pour justifier l’appel à une chirurgie esthétique, en conséquence de quoi il faudrait se demander dans quelle mesure le critère racial aurait émergé, dans l’analyse du « gros nez » rapetissé, avec autant de rapidité si MJ était en fait un Blanc fermement décidé à se « blackiser » par un grossissement des narines. Cela ne signifie pas qu’il faille en sociologie bénir bêtement tous les propos des acteurs, oubliant par là que tout corps social génère des rapports de pouvoir que traduisent dans un certaine mesure nos choix esthétiques, mais surtout qu’il faut bien voir combien réside, dans le douteusement obsessionnel recours au critère racial dans les études sur la chirurgie esthétique dite « ethnique », un encouragement, une réaffirmation, une confortation de ces mêmes rapports de domination : le Blanc serait plus rationnel que le Black. Si Mickey n’est pas pris au sérieux par les sociologues de la même manière selon la couleur de sa peau, alors ca, c’est un pic, c’est un cap, que dis-je, c’est une… discrimination ! Voilà que Bourdieu et ses acolytes sociologues, alors même qu’ils prétendaient nous libérer des relations de pouvoir implicites dans le corps social, en sont à l’origine, au moins pour une part, lorsqu’ils abordent la question de la chirurgie esthétique chez les populations afro-américaines, hispaniques ou chinoises avec ce préjugé d’irrationalité.

    L’analyse de la célèbre petite péninsule jacksonienne, plus fameuse que le Mont Saint-Michel, souligne ainsi la tendance à la « racialisation » de certaines questions sociologiques. Elle impose, je crois, de reconsidérer le regard que l’on porte sur la si mal nommée chirurgie de « débridage » des yeux. Non seulement blanchiment de la peau et chirurgie de la paupière ne relève que fort peu d’une adoration abrutie du grand manitou Occident, mais découle plus probablement de rapports de pouvoir intra-asiatiques, relatifs à une distinction entre classe laborieuse bronzée et fatiguée et classe aisée aux ongles superbement manucurés, aux yeux ébahis et aux teints perlés ; mais encore, s’il devait exister une quelconque pulsion de s’occidentaliser par le bistouri en Chine, alors soyez à peu près certains que les yeux et la peau ne seraient pas les premiers concernés. Résultats d’une petite étude menée à Shanghai : le critère distinctif d’un visage occidental, c’est le nez, plus exactement, le grand nez à la Cyrano. Bref, la péninsule, la vraie…
    On comprend alors vite pourquoi le mandarin lui-même ne contient aucun terme traduisant notre « yeux bridés », « yeux asiatiques » étant de même une traduction littérale qui ne fait aucun sens dans cette langue chinoise. Bref, de même qu’en Chine on ne « débride » pas les chinoises, de même MJ n’a pas « dé-blackisé » son nez… Ouf ! Alors, quelle news philo aujourd’hui ? Le nez de Michael J. innocenté, enfin, dans le procès pour outrage raciste...

    Et qui a du nez ...dans la Philo en Beauté Hein ?...et bien Clémence Chastan (pour son article) et Marine Chastan (pour ses illustrations) D'ailleurs Clémence ne s'intéresse pas qu'au nez. Elle aime aussi les lèvres, brillantes...tout comme l'esprit ! Clemence embrasse la Philo


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